INTRODUCTION
Ma vision de la réalisation est confuse et ce n'est que dans l'acte que je parviens à presque parfaitement la concrétiser. Je suis très proche d'un cinéma symboliste, qui ne renie ni les symboles bibliques, ni les symboles filmiques et encore moins ceux de l'art pictural. SYMBOLES
Symboles Bibliques nombreux dans ma conception du cinéma car leurs significations sont forts et nombreuses. Ainsi le nom des personnages (Marie...), les lieux métaphoriques (Purgatoire ? Enfer - Paradis), les actions métaphoriques (Beaucoup basées sur la passion du christ ou le jugement dernier) et les symboles tels que le poisson, la brebis, la croix, sont souvent sollicités dans mon cinéma. Les symboles, en général, sont ceux qui pénètrent notre inconscient par des valeurs ancestrales : Les couleurs (Rouge = le sang, la mort), les nombres (Le 7 = les 7 péchés, les 7 plaies, les 7 métaux) ou les objets. Cinématographiquement, c'est sur les murs que se trouvent des affiches de film de Brian De Palma, on entend « Phantom of paradise » à la radio, « Punishment park » passe à la TV, les lieux ou les noms de certains personnages coïncident avec ceux des films de Pasolini, De Palma, Gus Van Sant ou Tim Burton. La littérature de W.Blake et Shakespeare sont deux sources très abondantes tant en questions philosophiques qu'en questions sociologiques : leur influence est donc à prendre en compte.
LA MYTHOLOGIE
Ma vision de la narration est vouée à une retranscription de la mythologie dans un réel. C'est la modernisation de la mythologie qui prend forme sous les noms, les actes, les caractères ou encore les symboles liés à chaque personnage. Les Atrides, Zeus, La guerre de Troie, toutes ces histoires coïncident souvent avec des fait de la vie de tous les jours. La mythologie est pleine d'histoires emplies de sens, au niveau philosophique et moral. Le résultat est une histoire inédite, une réécriture cinématographique.
CRITIQUE SOCIALE
La critique sociale vise la haute bourgeoisie et rejette ceux qui font passer leur bien être avant leurs idées. L'Ame d'un jeune homme est la voie que je choisis de suivre le plus souvent : son innocence, sa pureté est essentielle, non pas essentiellement par sa beauté physique mais plutôt par la découverte encore naïve de l'existence : sa place dans la société, la découverte du sexe, la découverte des drogues, la découverte des idéologies.
MOUVEMENTS TECHNIQUE
En hommage à Brian de Palma mais aussi pour ce qu'ils représentent dans le fond et la forme, je suis adepte du split-screen : l'écran partagé. Son utilisation permet de faire suivre deux événements en même temps au spectateur tout en laissant se comparer les deux éléments. Le split screen peut se manifester dans une conversation entre deux personnages face à face, là, on peut les voir les yeux dans les yeux en même temps et les contempler. Les mouvements de caméras sont dans ma vision du 7eme art essentiels et très présents. En effet, la steadycam suivant les personnages, l'errance visuelle, l'abandon d'un corps pour un esprit. La contemplation du monde est donc un sujet qui me tient à coeur, les détails du monde et le monde lui même doivent être esthétiques, même dans l'horreur absolue. Je suis aussi, partisan d'une caméra à l'épaule. L'effet visuel obtenu, proche du dogme peu être très significatif visuellement dans une scène de folie, de panique ou de dialogues entremêlés. C'est ainsi que les plans fixes sont travaillé comme des tableaux, ou le détail et l'harmonie des couleurs font passer un sentiment, bon ou mauvais mais ou l'ambiguïté du monde reste présente.
LE FILM COMME LIVRE
Car je pense que le cinéma se doit de représenter l'ambiguïté du monde. Un film se doit il d'apporter des réponses ? Si un film apporte une réponse c'est celle du réalisateur car dans le système français, le réalisateur est l'équivalent du lecteur d'un livre. Le scénario est un livre et le réalisateur doit transposer les informations apportées par le livre dans son visuel, lui même influencé par divers référentiels et divers vécus. Le réalisateur ne nous propose donc pas un fait tel qui est mais un fait tel qui le voit et tel qu'il l'a imaginé. C'est en cela qu'un remake peut s'avérer intéressant : on nous propose la même histoire imaginée par un homme différent. A chaque lecteur n'y a t'il pas différentes visions du même livre ?
IMAGE MODIFIEE/ IMAGE CRUE
Pour en revenir au travail du visuel je suis partagé entre deux choix, inverses, relatif à chaque film : J'aime faire un travail des couleurs, par des filtres sur les fenêtres, par un retouchage de l'image ou encore par le choix de pellicule et de grain. Une représentation très imaginaire, féerique de la réalité. Augmenter les contrastes, donner une teinte plus marquée à l'image. En contrepartie j'aime l'image crue, directe, en extérieur, gardée intacte, bref à l'image de la nouvelle vague. Le monde se doit d'être montré tel qu'il est sans être travesti par des lumières ou recomposé en studio. Il y à donc contradiction mais ces deux choix de réalisation trouvent facilement leurs places dans un même film où souvent une logique s'installe. Par exemple un souvenir sera représenté de la manière dite féerique :
SOUVENIRS
Les souvenirs doivent être représentés de manière peu documentaire, c'est dans les songes et les souvenirs des personnages que les caméras se doivent d'être les plus mobiles, que les images doivent être les plus esthétiques, que tout les mouvements doivent être parfaits. La raison est que ce n'est qu'une représentation d'une réalité dans un esprit humain : c'est donc pour quelques fragments vrais. Mais cette représentation étant humaine, imparfaite, elle est magnifiée, ainsi la réalisation doit magnifier ces images.
LES DOCUMENTAIRES
L'approche que je propose au niveau des documentaires et une rupture des barrières entre fiction et documentaire. Les documentaires d'aujourd'hui sont très souvent trop mis en scène. Mais parallèlement, comment peut on faire pour qu'un documentaire soit la vraie et sincère captation de la réalité ? Je veux faire des documentaires qui rendent compte au spectateur qu'un documentaire n'est que la vision qu'a le réalisateur d'une réalité. Ainsi mes documentaires se décomposent en deux points : La problématique et la "fictivité" documentaire.
La problématique est la question qui amène à créer un documentaire, le sujet sur lequel interviennent des spécialistes, la thèse du film, en somme.
Ce que j'appelle la fictivité documentaire est ce cassage des barrières entre le documentaire et la fiction ; une sorte de mélange, à échelle, des deux genres. Ainsi le film est introduit par une scène de totale fiction puis est suivis de l'intervention d'un spécialiste, qui joue ses explications, un jeu corporel, verbal, peut être même accompagné d'un vrai acteur pour enfin déboucher sur des parties documentaires plus conventionnelles.
L'ERRANCE
Comme Gus Van Sant, j'ai la fascination de l'errance. Errance physique, psychique d'un personnage principal qui ne trouvera jamais ce qu'il cherche. Trois possibilités m'intéressent :
- Le personnage cherche sans jamais trouver, nous ne suivons qu'une partie de son errance et l'élément qui devient alors important est l'évolution des personnages autour du héros.
- Le personnage arrête de chercher après un élément perturbateur et oublie peu à peu son errance. Un vide restera toujours en lui.
- Le personnage croit trouver mais peu à peu se rend compte de son erreur, soit il repart, soit il reste là où il en est.
Ou le personnage a au départ un foyer mais se sentant à l'écart, diffèrent, il part ; ou alors le personnage n'a pas de foyer et la première fois que nous le voyons, il est déjà en quête.
La quête est un élément important dans cette errance car elle est obligatoire, même si le personnage n'a pas la conscience de son existence. Une des quêtes peu être la recherche de la nature de l'homme : comment peut-on définir l'homme, qu'est ce qui caractérise tout être humain ? L'homme un animal ? L'homme en tant qu'être intelligent ? Où est le bien? Où est le mal ? Ces questions doivent être tout le temps posées. Le meilleur moyen pour explorer ces questions est l'errance. Le road movie est le genre le plus adapté à cette problématique, il permet aux personnages d'être confronté à des événements graves, heureux et de rencontrer toutes sortes d'êtres humains. La rencontre de plusieurs personnages à la suite est un élément qui contribue à définir la nature humaine : lier les humains dans leurs diversité.
LE RYTHME DES FILMS
J'avoue être pour un cinéma assez lent, qui prend le temps de montrer les choses mais sans ennuyer le spectateur. Ainsi si un plan est long, c'est qu'il veut donner un certains réalisme au choses. En contrepartie, le plan doit comporter un certain nombre d'actions qui assurent un sens au film et qui trouvent leurs sens plus tard dans le film : Un personnage qui cherche un objet durant 10 mn seras montré à travers un plan séquence pour insister sur cette recherche mais l'objet rechercher doit avoir une grande importance dans l'histoire.
LES COMEDIENS ET LE JEU
Je suis pour l'utilisation de comédiens inconnus. Utiliser un acteur connu détruit le réalisme d'un film. Pour moi un acteur correspond à un rôle et il ne doit pas réapparaître dans un autre de mes films sauf si c'est pour jouer le même personnage. C'est un choix dur mais fidèle à ma vision des choses. Un acteur doit être soigneusement choisis dans un casting et son physique est intimement lié à ses actions à travers le film, ce qui le définira à travers les yeux des spectateurs. La contemplation des corps est toujours présente dans mes films et j'aime utiliser un personnage central beau, resplendissant, qu'il soit bon ou mauvais. Ainsi je pars d'une certaine contemplation pour peu à peu donner un visage psychique au héros. Le visage psychique que j'aime donner à un personnage est celui d'un anti héros, presque de quelqu'un de condamnable mais toujours dans une joie de vivre. Un jeune homme fou, échappé d'un asile, errant à travers un pays inconnu, pourrais être mon personnage fétiche.
3 POINTS ESSENTIELS
Dans la réalisation encore trois éléments me semblent importants :
- Le point de vue des films que je ferai serait plutôt celui du héros, ne captant qu'une partie des faits. Je veux être très fidèle aux points de vue du personnage, par exemple si on complote contre lui, on ne doit l'apprendre qu'en même temps que lui.
- L'invisible, c'est à dire les sentiments du personnage doivent être, à travers le film, illustrés par au moins un élément du décors : temps pluvieux, affiche de cinéma, objet de décoration.
- L'ordre des éléments doit être l'ordre normal ou se déroulent les choses, mis à part deux choses : les souvenirs des personnages et l'imagination d'un futur par le personnage principal ; des sortes de songes ou il se rêve heureux.
LA DRAMATISATION
Peu de musique, un jeu d'acteur extrêmement contrôlé, la dramatisation ne doit jamais être intense : je suis pour un rejet de la concentration d'événements dramatiques et leurs intensification, seul l'événement lui même, sans musique, dans un réalisme certain doit susciter l'émotion du spectateur.
LE SON
Le dernier point que je souhaite aborder est l'utilisation du son dans les films. Avec un micro Hyper cardioïde, je veux que le son scrute la personne la plus importante du plan en captant au maximum sa respiration, les plissements de ses vêtements, ses pas et ses paroles. Le son doit être en zoom sur le personnage jugé le plus important du plan. Dans les rêves et songes, les sons aussi doivent être magnifiés : on peut entendre le coeur du héros battre et des sons étranges, déformations de la réalité, apparaître. Le son peut être retravaillé en post synchro et là, un effort de réalisation doit être fait car l'univers du film est en partie dirigé par l'univers sonore. Par exemple dans un rêve les objets peuvent être humanisés en leurs donnant une respiration ou des rires.
CONCLUSION
Toutes ces théories, bien évidemment, ne trouvent de sens et d'application qu'avec un véritable projet mais je pense qu'il est important de porter un regard, même encore maladroit, sur la manière dont nous réaliserions nous-mêmes un film.
Landais Nicolas, membre de JANE production : Ma vision de la réalisation.